> Alfred Auteroche a participé deux fois au Salon des Beaux arts ; la première en 1865 avec un tableau intitulé "Le sentier des ânes" puis en 1872 avec "Animaux en pâturage". En 1867, les frères Goncourt évoquent l'ouverture d'un salon :
" Un grand jour que le jour d'ouverture d'un salon ! Trois mille peintres, sculpteurs, graveurs, architectes l'on attendu sans dormir, dans l'anxiété de savoir ou l'on a placé leurs œuvres, et l'impatience d'écouter ce que ce public de première représentation va en dire. Médailles, décorations, succès, commandes, achats du gouvernement, gloire bruyante du feuilleton, leur avenir, tout est là, derrière ces portes encore fermées de l'exposition. Et les portes à peine ouvertes, tous se précipitent.
C'est une foule, une mêlée. Ce sont des artistes en bande, en famille, en tribu ; des artistes gradés donnant le bras à des épouses qui ont des cheveux en coques, des artistes avec des maitresses à mitaines noires ; des chevelus arriérés, des élèves de Nature coiffés d'un feutre pointu ; puis des hommes du monde qui veulent "se tenir au courant" ; des femmes de la société frottées à des connaissances artistiques, et qui ont un peu dans leur vie effleuré le pastel ou l'aquarelle ; des bourgeois venant se voir dans leurs portraits et recueillir ce que les passants jettent à leur figure ; de vieux messieurs qui regardent les nudités avec une lorgnette de spectacle en ivoire ; des vieilles faiseuses de copies, à la robe tragique et qu'on dirait taillée dans la mise-bas de mademoiselle Duchesnois, s'arrêtant, le pince-nez au nez, à passer la revue des torses d'homme qu'elles critiquent avec des mots d'anatomie. Du monde de tous les mondes : des mères d'artistes, attendries devant le tableau filial avec des larmoiements de portières ; des actrices fringantes, curieuses de voir des marquises en peintures ; des refusés hérissés, allumés, sabrant tout ce qu'ils voient avec le verbe bref et des jugements féroces ; des frères de la Doctrine chrétienne, venus pour admirer les paysages d'un gamin auquel ils ont appris à lire ; et ça et là, au milieu de tous, coupant le flot, la marche familière et l'air d'être chez elles, les modèles allant aux tableaux, aux statues où elles retrouvent leur corps, et disant tout haut : "Tiens ! Me voilà !" à l'oreille d'une amie pour que tout le monde entende..."
Extrait de "Manette Salomon" de Jules et Edmond de Goncourt,
1867, Librairie Nouvelle.